J’y crois pas !
« J’y crois pas ». L’argument suprême quand on parle réchauffement climatique (Trump n’est pas le seul, malgré les milliers d’études scientifiques, sinon on n’en serait pas là), obsolescence programmée (il y a pourtant eu une loi pour la limiter, c’est bien qu’elle doit exister) ou chirurgie esthétique de Nicole Kidman. La phrase qu’on peut adopter pour tout et n’importe quoi, censée clore le débat. Et le clore avec panache… enfin panache façon Brice de Nice (« cassé ! ») ou dernière éructation mal articulée après la descente de huit panachés cul sec par l’habitué.
« J’y crois pas ». Cette phrase peut précéder les pires horreurs racistes ou négationnistes, ou encore la réfutation de faits et d’effets… En l’utilisant, Donald ne s’y est pas trumpé.
« J’y crois pas ». Que les réfugiés ont souffert, qu’ils ont traversé les océans, bravent les dangers, la peur et qu’ils ont pour le moins droit au respect et à la main tendue. « J’y crois pas » est un « J’en ai rien à foutre » un peu masqué.
« J’y crois pas » que Fillon ait volé l’argent public pour des postes fictifs, que Marine Le Pen soit convoquée devant la justice. Que la pollution augmente, que la durée de vie diminue… Ah ben, si tu n’y crois pas, alors, c’est que ça ne doit pas être vrai. Que ça ne vaut pas la peine de s’en préoccuper. Continuons donc comme si de rien n’était, puisque tu n’y crois pas !
Fascination. Quelque part, c’est (un peu) ce que je ressens pour ceux qui d’un revers de phrase aux allures de maxime se déculpabilisent. C’est bien, c’est simple. Un peu simpliste, quand même.
Et le simplisme nous tue tous, à petit feu. Le déferlement de virulence, de violence, de haine tous azimuts et de tous parti (pris) qui se déploie en ce moment me subjugue.
Quelque soit le bord politique, l’opinion ou le choix lié aux élections, on donne des leçons. A grand renfort de culpabilisation, d’injonction et de sentence. Souvent en parlant très fort aussi, dans les assemblées publiques, dans les transports. Celui qui ne vote pas promeut la victoire du FN, celui qui vote est le suppôt du capitalisme, celui qui s’interroge est un dangereux communiste qui adore Poutine, celui qui hésite restera pour jamais un Filloniste voué à périr dans les flammes de l’enfer… Stop ! On est où, là ?
Qu’on le veuille ou non, les élections sont un épiphénomène, ou un point culminant, c’est selon. Que Marine Le Pen soit au 2e tour de l’élection présidentielle, ce n’est pas la faute des abstentionnistes. Ce n’est même pas (que) la faute des électeurs de Le Pen. Ce serait un peu facile..
Qu’on le veuille ou non, on est tous dans le même bateau, celui qui fonce droit sur l’iceberg depuis un bout de temps et dans lequel s’installe un climat de peur et d’adversité. Le naufrage de la société occidentale capitaliste emporte tout sur son passage et surtout la tolérance, la communication et la solidarité. A vos souhaits !
Parce que cracher sur l’autre, se diviser jusque dans les plus proches affinités pour trouver des responsables, ça peut soulager ou rassurer (un peu) un moment. Mais si on veut éviter de faire le lit du FN pour dans un jour, pour dans un mois, pour dans cinq ans, il faudrait peut-être s’y mettre maintenant. A regarder les choses dans leur globalité, à agir tous les jours pour aller vers autre chose et pas seulement se réveiller tous les cinq ans. Parce que du coup, les grandes leçons au nom de la démocratie, ça va bien…
Mais la démocratie, elle se travaille au quotidien, dans ses choix de consommateurs, dans ses actions envers les autres, dans ses engagements, professionnels, associatifs, concrets, dans une main tendue, dans le simple fait de regarder en face tous les facteurs qui nous font peur et nous font préférer l’ostracisme.
J’ai voté Mélenchon au 1er tour et j’irai voter, la mort dans l’âme, au 2e parce que je préfère continuer la lutte pour autre chose sous Macron que sous Le Pen.
Mais je vous le dis franchement, je ne me retrouve dans aucune description de ce qu’est supposé être un « Mélenchoniste » que je lis en ce moment. Je n’ai même pas envie de rentrer dans ce débat-là, tant les amalgames font rage de tous côtés.
Et je ne juge pas les abstentionnistes, ils ne sont pas seuls responsables des maux actuels. Ni même les électeurs de Le Pen, parce que tous ne sont pas des fachos sans scrupules, là encore c’est trop simpliste. Certains, oui. Beaucoup d’autres sont en perte de valeurs et de ressources et souffrent. Même en souffrance, on n’est pas obligé de devenir intolérant et individualiste ? Certes, mais ouvrez les yeux : regardez comment on nous, comment on se parle, à la télé, dans les médias, sur les réseaux sociaux ? Vous trouvez qu’ils sont tendres et à l’écoute des autres, les argu-plus ou moins-ments employés ? Et juste au passage encore, à qui qu’ils appartiennent, les médias ?
Si, effectivement, Macron passe, on ne sera pas à l’abri. On sera juste dans la digne continuité de ce qui a été amorcé, dans le ventre du capitalisme fécond de différences creusées et ostracisées, de difficultés environnementales augmentées qui creuseront encore plus les différences et les conflits… Dans le lit du FN en somme ! In bed with le FN.
Evidemment je peux (et j’adorerais) me méprendre et que la période qui arrive soit harmonieuse à tous niveaux !
En tout état (ou Etat) de cause, si on veut pouvoir limiter l’impact actuel de ce parti pris de haine, il va falloir changer d’optique et renouer le dialogue entre les gens. Et plutôt que de se renvoyer la balle et de se jeter l’opprobre, il serait peut-être temps de se serrer les coudes et pas que pour faire la queue au bar… Pour voir où on va ensemble.
Car que l’homme choisisse sciemment et définitivement d’être vil et vénal, individualiste et violent et de détruire ses ressources naturelles et cognitives, au moment où il devrait/pourrait être au top de son intelligence et de sa civilisation en harmonie sur la planète… j’y crois pas.