Aller au-delà…

Je suis sidérée par les critiques de spectateurs taxant « d’ennuyeux » le dernier film de Clint Eastwood, Au-delà. Bien sûr les goûts et les couleurs ne se discutent pas (même si celles du chef opérateur Tom Stern sont encore une fois magnifiques)…
Bien sûr, il faut de tout et de tous pour faire un monde… Mais quand même ! Il me semblait qu’en touchant à l’essence de nos vies, le film toucherait plus de gens que ça.

Car oui, la mort fait partie de la vie, c’est même elle qui lui donne un « sens »… dans tous les sens du terme ! Une direction : quoi qu’on veuille souvent l’oublier, on va forcément vers elle ; et un contenu : c’est justement parce qu’on meurt qu’il est intéressant de donner de la consistance à notre vie.
Evoquer ce qu’il peut y avoir après, en-dehors de toute considération religieuse, est un acte courageux et humble à la fois dans notre société où on fuit la mort comme la peste.

Il ne suffit pas d’aborder humblement un sujet courageux pour faire un bon film, me direz-vous. Et vous n’aurez pas tort.
Mais là encore, où d’autres trouvent le scénario en demi-teinte ou vide, je le trouve bien ficelé, construisant intelligemment les personnages et les présentant à travers des points de vue originaux, comme ce moment de séduction masqué dans un cours de cuisine. Je n’en dis pas trop, pour laisser des surprises à ceux qui iront le voir.

Même si « surprise » n’est pas exactement le mot qui caractérise ce que j’ai ressenti. Pour moi, il y a une limpidité tranquille dans la façon dont Eastwood filme son histoire et ses acteurs (Matt Damon et Cécile de France sont saisissants de justesse et j’ai beaucoup aimé l’actrice qui joue la mère des jumeaux).

Car ce que j’apprécie chez ce grand monsieur, c’est qu’il aborde des sujets coup de poing avec une sérénité déconcertante, là où d’autres font appel à beaucoup d’artifices et de supercheries.
Car, soyons francs, notre société s’est coupée de ses morts et en a peur, plus qu’elle ne veut le dire… Ce n’est pas comme ça partout, ce n’est pas forcément la règle à suivre.

Qu’une telle réflexion vienne d’un homme de 80 ans est une belle leçon. Et à sa façon de soulever les questions importantes sans être bêtement moralisateur (tout comme dans les récents Gran Torino ou Lettres d’Iwo Jima), Eastwood me rappelle un certain Stéphane Hessel*…
Et ce qu’ils nous enjoignent de faire, c’est d’aller toujours plus loin que la surface des choses… et même au-delà !

*pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore,
c’est l’auteur de Indignez-vous.

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