Bluff juridique total

Troisième manche du procès contre Total pour le naufrage et la marée noire de l’Erika. Le fin mot sera donné le 24 mai par la Cour de Cassation.
En attendant, l’avocat général a rendu ses recommandations.
Et ça sent l’engluement.

C’est l’amour à la plage
En première instance et en appel, les juges ont pris en compte les lieux d’impact de la marée noire, les côtes et plages françaises de Bretagne, Pays de la Loire et Poitou-Charentes.
Souillées, endommagées, privées de leur biodiversité, elles constituaient un triste plat de côtes.
Le tribunal leur a rendu un peu de leur dignité en dédommageant les régions, ainsi que des associations comme la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux).

Money, money, money must be funny
L’affréteur Total, la société de certification italienne du navire, l’armateur et le gestionnaire du navire ont été condamné à verser pénalement les amendes maximales pour délit de pollution maritime et civilement des indemnités de réparation pour préjudices « matériel, écologique et moral ».
Eh bien, ces charmants messieurs ne se sentent pas responsables et se donc pourvus en Cassation.

Sensuel et sans suite
Et l’avocat général de recommander de classer le dossier sans suite pour « incompétence de la cour ».
En effet, les lieux de référence pour le procès ne seraient pas ceux touchés par la marée noire, mais l’exact endroit du naufrage. Or celui-ci, bizarre coïncidence, a eu lieu dans les eaux de la ZEE (Zone Economique Exclusive), zone où la juridiction compétente est celle du pavillon du bateau, qui est maltais.
C’est un gros poisson qu’on veut noyer.

Erika, métisse de Malta a toujours sa vertu
Encore plus fort, dans la ZEE seule s’appliquerait une loi internationale datant bien opportunément de 1973 quand la pollution aux hydrocarbures n’incluait pas de « préjudice écologique »…
Si cet argument falacieux passait, cela blanchirait Total et nous draperait carrément Erika dans une robe virginale… puisqu’alors autant dire que la marée noire sur les côtes françaises n’a pas existé !

Noir, c’est noir, il n’y a plus d’espoir ?
Quand le procureur général s’appelle Marin, on se dit qu’il sait où il mène sa barque et franchement, ses voies ne sont pas avenantes. Plutôt genre le Styx que les puissants auraient le droit, eux, de survoler en hélicoptère.
Car l’enjeu crucial est celui de la justice à venir : en créant un précédent, toutes les marées noires seraient ensuite jugées dans le pays dont le bateau a la nationalité, comme le Libéria, Chypre ou Vanuatu… autant dire bien souvent des pays où la justice est corruptible* !

Mais quand bien même on peut douter de ce que sera le dernier mot, le dernier mot n’a pas été dit…
Espérons que pourvoi soit plus qu’un simple anagramme de pouvoir !

*article « Erika : une justice à la coule », Canard Enchaîné du 11/04/12

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