L’en-vert du décor : lettre ouverte aux théâtres parisiens

Il arrive souvent en ce moment qu’on me demande quand et où je vais rejouer mon one woman show écolo.
Eh bien, « Charlotte Normand se met au vert… » se met au vert justement !

Depuis quatre ans que je le tourne et le fais évoluer, il s’est frotté à bien des publics, a commencé à voyager et s’est fait remarquer par différents médias comme Arte, Métro, Madame Figaro, Ushuaïa TV ou L’Express.

Récemment j’ai obtenu via Biba le Prix des femmes du développement durable 2011 co-organisé par Mondadori et la Fondation Yves Rocher.

Ce prix m’a été donné car mon action de transmission écolo de manière drôle et décalée, par le spectacle et le blog La touffe verte, a été jugée « impertinente et pertinente » par le jury.

Et le prix correspond notamment à une dotation de 10 000 euros pour l’association qui produit le spectacle. C’est beaucoup. Et pourtant, au regard du travail effectué, du chemin parcouru et de l’investissement induit, ce n’est pas trop.

Et cela doit servir à poursuivre l’action engagée et monter de nouveaux projets, comme la pièce à trois acteurs que je viens d’écrire, toujours sur l’écologie traitée de manière légère.

Ce prix ne doit pas être dilapidé en trois coups de cuillers à pot en frais d’exploitation. Oui, les exploitants de salle parisiens portent bien leur nom.
A Paris, dès lors qu’on possède un théâtre ou un lieu idoine, tous les coups de théâtres sont permis et surtout tous les tarifs.

Si Paris est la ville de tous les possibles, c’est aussi la ville de tous les excès.

Toutes les salles même les plus petites pratiquent le principe du Minimum Garanti par représentation, montant dû à la salle par la compagnie quoiqu’il arrive (et ce même si la recette est insuffisante). Il est de 80 à 300 euros en moyenne dans les salles de 50 à 80 personnes, et de 300 à des milliers d’euros dans les salles plus grosses, plus centrales et surtout plus renommées. Et une fois le MG atteint, après, il y a souvent encore partage de recettes avec la salle.

Pour les petites ou moyennes structures, présenter un spectacle de manière régulière à Paris, parmi les centaines de spectacles proposés, veut dire jouer dans une petite salle excentrée pour pouvoir rentrer dans ses frais.
Et verser les cachets (aux comédiens et aux techniciens), ce qui est loin d’être possible à chaque représentation.

Ainsi, j’ai joué dans la petite salle du théâtre Darius Milhaud (Paris 19e) de janvier à juin 2011, mais si j’ai pu commencer à avoir des cachets en mars, c’est grâce à l’argent rentré par la tournée du spectacle en province…
Oui dès que le spectacle est joué ailleurs qu’à Paname, on dit « qu’il tourne », ne cherchez pas.

Et là, au mieux les théâtres ou structures vous achètent le spectacle, au moins ils vous proposent un partage de recette de 50-50. Des dates sont d’ailleurs en train de se monter pour l’année prochaine.

Ainsi face à la providentielle province, la cupide capitale ?

Ce n’est évidemment pas aussi simple car le nombre incroyable de salles à Paris en fait un lieu de culture et de théâtre incomparable où tous les brassages sont permis. C’est là que les programmateurs de toute la France viennent découvrir les spectacles et c’est donc souvent de jouer à Paris qui permet aux spectacles de tourner ensuite.

C’est aussi là qu’il est possible de se lancer, dans des petites structures tremplin comme l’est le théâtre Popul’air où j’ai rodé le spectacle pendant deux ans.

Mais aussi attachantes soient-elles ces scènes tremplin sont aussi faites pour être quittées, pour évoluer vers d’autres sphères, dès lors que le spectacle gagne en professionnalisme et que l’on veut vivre de son métier.

Et c’est là que les choses se corsent pour les raisons évoquées plus haut.

Ceux qui parviennent à sauver la mise sont les boîtes de production qui peuvent investir dans des grosses campagnes de communication, dans le métro, sur le Net et sur les plateaux télé…

On est dans une époque de matraquage publicitaire et le théâtre ne fait pas exception.

Alors, certes le Prix des femmes du développement durable pourrait permettre d’amortir ce genre de frais. Mais recevoir un tel prix, qui récompense l’action et la cohérence, me fait m’interroger.
Car mon action s’est construite dans la cohérence, et si le spectacle s’impose de plus en plus comme impertinent et pertinent, c’est par son cheminement aussi.

Justement parce que j’ai obtenu ce prix je n’ai plus envie de payer pour jouer, mais de pouvoir investir dans le montage de nouveaux projets.

Justement parce que j’ai eu ce prix j’ai envie de jouer dans des lieux où travailler ensemble soit la motivation majeure, dans des conditions équitables pour tous.

Oui, j’ai envie que la pratique de mon métier de comédienne aussi soit durable !

Parce que j’aime ce que je fais, je suis fatiguée d’avoir affaire à des gens qui ne pensent qu’à leur tiroir caisse alors même qu’ils gèrent des lieux de culture.

Parce que j’aime ce que fais, je n’ai plus envie de traiter avec des gens qui ne pensent qu’à assurer leurs arrières, même si cela doit se faire au détriment des artistes… qui pourtant font tourner la boutique… J’en ai assez de cette vaste hypocrisie.

Ailleurs, il est possible de travailler en intelligence et ensemble. Cela doit bien être envisageable à Paris aussi.

Miroir, mon beau miroir, dis, où sont-ils donc ces lieux à Paris ?

Sésame… ouvre-toi !

Car par les retours réguliers que j’ai sur mon spectacle et sur mon blog*, je sais que mon one woman show écolo a de l’avenir et un potentiel de public.
Et j’ai envie de continuer à emmener les gens dans mon uni-vert pour les faire rire, leur faire passer un bon moment tout en suscitant, peut-être, des pistes de réflexion.

J’ai envie d’ouvrir des portes vers de nouvelles collaborations, c’est pourquoi j’écris aujourd’hui ce mot ouvert (faites la liaison, vous verrez).

Alors si vous êtes teneur d’un lieu et avez envie d’accueillir mon spectacle dans des conditions respectables ou si vous connaissez des lieux ou des gens qui pourraient être intéressés, n’hésitez pas à me contacter !

Je reste confiante et vous dis à bientôt on stage…

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