Fausse fin et vraies marées noires


Une plate-forme pétrolière remorquée en mer Caspienne
Photo : A. Ustinenko/Peter Arnold, Inc.

Après de multiples rebondissements, la fuite de pétrole de la plateforme Deepwater Horizon a été colmatée. Cependant, si on nous annonce que c’est bel et bien fini, une opération reste encore à effectuer et malgré tout, les risques liées à la pression existent encore même s’ils sont qualifiés de « minimes ».

D’autant que le colmatage ne s’est pas fait sans différents épisodes lui-même. Décidémenent, cette marée noire, c’est plus qu’une saga de l’été. Le 15 juillet, donc, la pose d’un entonnoir sur le puits avait permis de stopper la fuite. Puis le 3 août, l’opération poétiquement nommée « static kill » a bouché le puits par des boues de forage, une étape cruciale… mais pas définitive. Une fois les liquides et matières solides injectées, le trou a été cimenté. La manoeuvre n’a cependant jamais été testée auparavant et une initiative similaire avait échoué fin mai.

Oui mais ce n’est pas tout. Une ultime procédure, de son nom de guerre “bottom kill”, doit clôturer les opérations et mettre en service deux puits de secours destinés à intercepter le pétrole sous le fond de la mer, par en dessous. Elle devrait confirmer le succès du “static kill”, et sinon, le puits principal sera cimenté via un puits de secours. Cette action devait être menée à la mi-août… Elle est finalement repoussée à début septembre. La Maison-blanche patauge encore en termes de marée noire.

Et puis, une fois n’est pas coutume, voilà que ce soi-disant « ultime recours » n’est que l’avant-dernier ! En effet, avant de pratiquer « bottom kill », il faut changer une valve. Oh, trois fois rien, il s’agit juste de celle qui a provoqué l’explosion ! Cette vanne « anti-explosion », justement, était défectueuse… Eh oui, ce serait aussi bête que ça. A se demander quels genres de contrôles matériel ils font chez BP.

Mais avant de pouvoir poser une nouvelle valve, des tests doivent être conduits afin de s’assurer que le nouvel équipement n’endommage pas le puits et que la pression exercée par le pétrole ne cause pas de nouvelle fuite, a expliqué l’amiral Thad Allen, principal responsable de la lutte contre la catastrophe.
En clair avant « l’ultime étape », une autre opération doit être réalisée, qui demande elle-même une batterie de tests !

Ils sont forts en fausses fins, décidément ! Le scénario co-écrit par BP et les autorités est troublant de suspens… Cette fois, la date annoncée est « aux alentours du 6 septembre »*. Gageons qu’une ultime pré-ultime étape s’avérera bientôt nécessaire… A croire que les auteurs du drame ne savent pas comment conclure en beauté. Ils se font attendre, désirer… De vrais artistes !

Et pendant ce temps, la Chine affiche le 2e PIB mondial derrière les Etats-Unis. Certes, divisé par le nombre d’habitants, le pays reste parmi les plus pauvres de la planète, mais cela n’empêche pas les économistes de parler de « puissance mondiale » et de « modèle à suivre »… Toujours derrière les Etats-Unis mais bien placée, la Chine a eu aussi sa marée noire de l’été. La catastrophe a été provoquée à la mi-juillet par l’explosion de deux pipelines à Dalian, port au nord-est de Pékin. Le gouvernement chinois a, bien sûr, tenté de minimiser l’ampleur de la chose, affirmant que seules 1 500 tonnes de pétrole ont été lâchées dans la nature.

En fait, selon un rapport de Greenpeace, c’est 60 000 tonnes qui auraient fui, soit quarante fois plus. Selon Richard Steiner,expert en marée noire de l’Université d’Alaska invité par Greenpeace : « C’est habituel pour les gouvernements et les compagnies pétrolières de minimiser l’ampleur des marées noires et l’impact environnemental d’une fuite de pétrole ou chimique et d’amplifier l’impact de leur réaction. »
De vrais scénaristes, je vous dis !

Et avec les chiffres aussi, ils savent faire de la fiction : selon Libération**, un total de 4,9 millions de barils (780 millions de litres) se sont échappés du puits endommagé à la suite de l’explosion et du naufrage de la plateforme Deepwater Horizon fin avril. Quelque 800.000 barils (127 millions de litres) ont été récupérés. Et chez BP, on parle de « trois quarts de bruts éliminés »… Pour moi 127 sur 780, ça ne fait pas trois quarts ! Alors même si une partie s’est « évaporée », ça laisse sceptique.
Et pourtant, BP crie victoire… Cherchez l’erreur.

*dépêche de Libération

**article de Libération

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