La pilule, dure à faire avaler…


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Si je vous dis « la pilule pollue et pullule », vous allez me dire que je pourrais réviser ma diction théâtrale ailleurs ? Et pourtant…
Le petit comprimé salvateur qui a permis à bien des femmes, – et des hommes, du même coup -, de vivre plus sereinement leur sexualité n’est pas un bienfaiteur de l’environnement. Qui l’eut cru ? C’est cruel mais c’est ainsi. (enchaîner ces deux phrases est encore un exercice d’articulation)

Reprenons au début : la pilule, composée d’hormones de synthèse, passe dans notre corps, puis est rejetée en partie dans nos urines. Celles-ci sont traitées dans les services des eaux usées avant d’être rejetées dans les cours d’eau ou réinjectées dans le circuit de l’eau potable.
Comme le précise Hélène Budzinski, responsable du groupe « Physico- et toxico-chimie de l’environnement » à l’Institut des sciences moléculaires (1), « les stations d’épuration, bien qu’elles se soient énormément améliorées sur le plan technique, n’ont pas été conçues pour éliminer la totalité des molécules pharmaceutiques. »

Des restes cumulés de toutes les pilules prises par toutes les femmes se retrouvent donc dans les rivières et l’oestrogène en surdose fait changer de sexe certains poissons.
C’est là où la femelle fait mal. Et les mâles ne savent plus où donner de la queue ni de la nageoire. C’est triste quand on voit qu’une telle avancée sociale a pu rimer avec une dégradation importante de l’environnement.

D’aucuns, évidemment, se sont empressés d’incriminer la pilule, visant par là la liberté sexuelle : le Vatican a dénoncé les méfaits de la contraception en janvier 2009.
Chez nous, c’est le député Christian Vaneste, réputé pour ses propos de haute tolérance de l’homosexualité (NB : il avait déclaré que l’homosexualité était un réflexe facile à rééduquer, puis avait carrément fait le rapprochement entre homosexuel et pédophile (2)), qui s’attaque au problème lors d’une question au gouvernement en juillet 2010 (3), laissant planer le doute sur ses intentions.

Que l’on s’entende, il n’a pas tort de soulever le débat, mais la pilule n’est pas un cas isolé. En fait, c’est l’ensemble des produits médicamenteux qui sont à prendre en compte.
Même l’aspirine, dégradée à plus de 90 %, se retrouve en traces dans les eaux usées remises en circulation, puis dans les cours d’eau. Certains composés comme la carbamazépine (un antiépileptique) ou le diclofénac (un anti-inflammatoire), eux, ne se dégradent quasiment pas.

Et Hélène Budzinski d’ajouter « qu’il faudrait moderniser les stations d’épuration », mais « ne pense pas que l’amélioration des procédés de dépollution suffise à tout résoudre. Le mieux serait de traiter le problème à la source, c’est-à-dire consommer moins de médicaments inutiles. »
Elle a raison, beaucoup de médicaments sont inutiles.

La dernière pilule que je teste en ce moment est la plus proche qui ait jamais été faite de l’oestrogène humaine… Mais sans en être ! Or la molécule humaine, elle, est parfaitement reconnue et assimilée par l’environnement. En outre, cette pilule est fabriquée par Bayer, un labo qui fait aussi des OGM, ça laisse pantois.
Et pourtant, même si j’ai troqué et troque encore de nombreux comportements quotidiens pour des gestes plus écolos, j’ai du mal à trancher, je l’avoue.

Quid des alternatives contraceptives ? Le préservatif, évidemment. Et le stérilet, même si sa pause à des femmes qui n’ont pas été enceintes est controversée.

Quid des solutions plus générales ?
Réduire la prescription de pilules, notamment pour l’acné ou la simple régulation des cycles (qui de toute façon sont artificiels sous pilule). Pouvoir fabriquer de l’hormone humaine en laboratoire, mais cela va poser des problèmes éthiques. Trouver un moyen de cibler l’oestrogène dans les stations d’épuration et de la détruire, mais cela semble bien illusoire.

Je vous le confirme, l’affaire est complexe. D’autres problèmes majeurs de pollution doivent être traités avant, selon moi, sans perte sociale (au contraire !), comme celui des pesticides, présents partout, de l’air à la terre, en passant par l’eau, nos assiettes, nos verres…
Et pourtant, si on est verts, il faudra bien aussi trouver une alternative à la pilule…

Mise à jour (février 2011) : ça y est, j’ai franchi le pas et arrêté la pilule qui se remplace quand même assez aisément. A chacun de trouver comment. 🙂

(1) interview sur le site du CNRS

(2) cf Wikipédia
(3) e-deo.info

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